Au bout d'une demi-heure de requêtes, Kenja dut se rendre à l'évidence: aucune trace d'administration ouverte. C'est comme si tout se fermait à son arrivée ... Peut être était ce toujours ainsi ici, les habitants avaient pris l'habitude de se méfier des marginaux?
Les hôtels miteux, elle n'y aurait passé une nuit pour rien au monde.
Tout en réfléchissant sur ce qu'elle allait faire de son instant présent, elle reconsidéra sa rencontre avec ce type bizarre. Il n'avait pas l'air très engageant, et pourtant elle n'avait pas perçu dans son aura quelque chose de malfaisant ... Quel dommage. Il aurait certainement fait un bon assassin.
Enfin, à son immense satisfaction, elle parvint face à un hôtel dont - comble du miracle - la façade était acceptable. Malgré le fait que la porte grinça lorsqu'elle la poussa, l'intérieur avait l'air habitable, si ce n'était la légère odeur de renfermé ...
Le réceptionniste était en train de lire un journal, les pieds sur le comptoir.
- Hey! Vous êtes pas là pour vous prélasser, que je sache ...
L'homme sursauta, mais à la vue de Kenja ses yeux brillèrent de convoitise.
- Excusez moi mademoiselle, il y a tellement peu de clients ici ... Mais je concède que mon attitude n'est pas raisonnable. Veuillez m'en excuser. Vous désirez une chambre?
- Non, je suis venue pour me faire couper les cheveux ... A votre avis ??
- Vous avez de la chance, l'hôtel est vide. Vous pouvez disposer de la plus grande chambre, elle se trouve directement à droite après l'escalier. Tenez, voici les clés.
- Merci.
Kenja saisit l'objet métallique et se dirigea vers sa demeure d'un soir. Elle avait droit au plus grand luxe de la ville: un lit deux places, une baignoire, un lavabo pas trop sale. Un journal était même déposé sur le dessus de lit. La jeune femme s'en empara et commença sa lecture.
"La peur des March-ombres".
Le titre de l'article annonçait déjà la couleur de ce qui allait suivre ...
Kenja avait bien sûr déjà entendu parler de ce groupe qui terrifiait le pays entier. Des meurtriers, sans aucun état d'âme ... Dommage qu'elle préférait opérer seule, sinon elle les aurait rejoints sans hésiter ...
Au fil de la découverte de l'article, pourtant, elle se sentait de plus en plus attirée ... On parlait de crimes revendiqués, d'actes barbares, de sang, de méchanceté ...
* Et si finalement ... ? *
Peut être valait-il mieux privilégier l'esprit d'équipe, pour une fois?
Avec les March-ombres, elle aurait peut être plus de chances de retrouver celui qu'elle cherchait ... et celle, par la même occasion.
Il fallait bien qu'un jour, elle se décide à avancer. Car là, elle stagnait totalement. Elle ne se voyait pas devenir Sentinelle, non, plutôt mourir. Alors autant être utile à quelqu'un d'autre ...
* J'ai encore du temps pour réfléchir ... La nuit porte conseil, dit on. Je ne suis pas du genre à prendre des décisions à la légère. *
En effet, le proverbe s'appliqua bien. Car dès le lendemain, Kenja avait pris sa décision: quitter Siniwo et rejoindre cet endroit que l'on appelait le Temple des March-ombres ...
Elle descendit l'escalier craquant pour passer devant la réception.
- Ma petite dame! J'ai cru comprendre que vous partiez ... Auriez vous l'obligeance de payer votre chambre? Vous me devez ...
Sa phrase s'étouffa au fond de sa gorge car il venait de s'y prendre un poignard acéré. Le sang gicla sur le tapis immaculé tandis qu'il regardait Kenja, à trois mètres de lui, avec une expression d'étonnement due à ses yeux exorbités par la douleur. Enfin, il s'écroula dans un gargouillis infâme.
La jeune femme rejoignit le cadavre en quelques enjambées pour récupérer son arme. Avant de la remettre dans son fourreau, elle prit soin de lécher la lame pour la nettoyer de l'hémoglobine qui la souillait.
- De la part de Kenja Aikuchi, future March-ombre ... Souviens toi de ce nom quand tu arriveras en enfer ...
Dans un dernier frôlement, elle disparut de la ville et entreprit une nouvelle fois la traversée du Désert.