Rencontre... Hors du commun...

Le bar était sombre, sale, mal famé. La nourriture était mauvaise, l’alcool frelaté... Mais il était le moins cher de la ville ce qui lui assurait quand même une clientèle relativement régulière... Ce soir là, l’air était irrespirable : Les trois quart des personnes présentes fumaient des substances plus ou moins légales et étaient ivres depuis longtemps... Certains chantaient des chansons paillardes, d’autres commençaient à élever la voix avec leurs voisins. Il y aurait plus d’un accrochage ce soir, s’était prévisible, comme tous les autres soirs de marché. La chaleur était de plus en plus étouffante, la tension devenait de plus en plus palpable. Tous les hommes se guettaient du coin de l’œil essayant de juger les qualités au combat que pourraient avoir leurs futurs adversaires, l’alcool rendant évidement les hommes plus téméraire qu’ils ne l’étaient habituellement.

Il était tard, les personnes encore saines d’esprit avaient quitté les lieux, le jeu des regards continuait, le ton montait : la tension était à son paroxysme, les chaises allaient bientôt voler. Une seule personne ne semblait pas participer à ce concours... Une jeune fille, assise dans un coin sombre, à l’écart de tous, regardait fixement son assiette de pommes de terres sautées mal cuisinées : elles étaient épluchées grossièrement, la moitié était crue et l’autre moitié carbonisée. Cenka poussa un profond soupir et balaya d’un geste une de ses longues mèches de cheveux qui lui tombait devant les yeux. Comme tous les lundi, elle était extenuée: le marché lui procurait certes des cibles faciles, des bourses bien remplies et de la nourriture facile à dérober mais ce surplus de monde dans les rues la rendait folle, elle, tellement habituée à la solitude, supportait difficilement les endroits bondés. Pourtant, c’était dans ce bar que ses pas l’avaient menée : elle savait que, une fois souls, les gens l’observeraient quelques minutes puis l’oublieraient pour retourner à leur passe temps favori, les belles bagarres. S’était ce moment là que cenka attendait : l’agitation autour d’elle lui permettrait d’y voir plus clairement, de mettre facilement de l’ordre dans ses pensées et de mettre en avant les choses essentielles pour elle.

Un homme avait dû boire plus que les autres il prononça une parole plus haute que les autres. Les autres guettant ce signal se levèrent et le chaos commença : on ne pouvait plus distinguer personne, tout n’était qu’un amas de corps d’où dépassaient parfois un tête ensanglantée, un pied ou un poing. Cenka sourit : aussi étrange que cela puisse paraître, cette ambiance lui plaisait et elle était presque tentée d’entrer dans la masse pour participer à cette mêlée, aussi ridicule soit-elle. Cependant, elle devait se ressaisir, elle n’était pas venue pour ça... D’autres choses plus importantes méritaient d’être traitées. Elle devait réfléchir son passé, son présent et son avenir. Son maître était mort depuis plusieurs mois à présent et elle n’avait toujours aucun indice sur son meurtrier ce qui la plongeait dans une frustration indescriptible. Afin d’accroître, possibilités de recherche, elle s’était récemment enrôlée auprès des sentinels. Cet acte lui avait coûté : elle bafouait, en agissant ainsi, l’un de ses principes les plus importants : ne plus jamais avoir de chef... Mais si elle souhaitait venger son modèle, ce sacrifice était obligatoire : elle n’était après tout qu’une voleuse des rues, ignorant tout de la magie et se faisant surpasser en combat dès que son adversaire sortait d’une école un peu trop prestigieuse. Elle espérait, en entrant dans cet ordre, trouver quelques personnes qui lui permettraient de rehausser son niveau. Car à partir de maintenant, elle ne devait plus rechercher un March-ombre mais tous les march-ombres. Et la réciproque marchait aussi: elle risquait de se faire harceler, blesser, tuer par, non plus un ennemi, mais plusieurs. Elle découvrait peu à peu toutes les conséquences de cette action mais ne la regrettait pas... Après tout, elle aurait elle aussi des alliers, des conseillés. Elle en était certaine à présent, c’était la seule manière de permettre un repos tranquille à son maître...

ATENTION !!!!

Un cri la fit subitement sortir de sa rêverie. Les hommes, non contents de se servir uniquement de leurs poings, leurs têtes et leurs pieds, avaient commencé à se lancer tout d’abord des verres, des bouteilles et des couverts, puis manquant de munitions s’étaient rabattus sur les chaises. Un combattant particulièrement ivre avait dû oublier les principes primordiaux d’un bon tir, s’était trompé dans la direction et la chaise volait maintenant droit vers la tête de Cenka. D’un geste rapide, celle-ci s’écarta de la trajectoire du projectile et regarda calmement la chaise s’exploser contre le mur, exactement à l’endroit où elle était assise un instant plus tôt. Elle lança un regard assassin au tireur malhabile, puis sourit ; elle avait, comme prévu, réussi à mettre de l’ordre dans ses pensées. A présent, elle pouvait se détendre un peu... La porte du bar s'ouvrit... quelqu'un venait participer aux joies du combat... Sans hésiter, elle saisit son assiette de patates sautées auxquelles elle n’avait pas touché et la lança dans la masse afin de s’ouvrir un passage dans la mêlée. Elle dégaina une de ses dagues et entra dans la danse.

Depuis qu’elle errait dans ce vaste monde, K-Lypsos n’était que très rarement entrée dans une ville. Ce soir là elle n’eut pas le choix. Elle était a court de vivres pour elle, et elle ne trouvait pas de plan d’eau pour Cassiopée. Elle se dirigea donc dans Kyotu à la recherche d’une auberge peu coûteuse et assez reculée. Elle venait de trouver une fontaine pour qu’elles puissent se désaltérer. Son regard fut attiré par des ombres à travers une fenêtre qui paraissaient s’agiter. En s’approchant, elle perçut des cris, le bar avait l’air animé !
Elle entra…

A l’intérieur régnait un chaos total. Le propriétaire désemparé contemplait cette mêlé peu banale sans pouvoir s’interposer. Les chaises volaient de toute part.
Un miroir se brisa

Trop épuisée pour prendre part aux festivités, elle avança prudemment jusqu’au comptoir, évitant de justesse une dague maniée par une fine main, qui ne pouvait appartenir à un homme… Elle n’y prêta pas plus attention. Elle commanda de quoi se rassasier, et s’installa à l’écart, là où les chaises et les tables étaient encore intactes.

Petit à petit, les mouvements se firent plus lents. Les hommes, estimant qu’ils avaient encaissé leur quota de coups pour la soirée se retirèrent. Le calme se fit.
Les rescapés tenant encore debout n’avaient pas fière allure… Les vêtements déchirés, le visage écarlate, soufflants comme des bœufs. Seul une jeune fille semblait ne pas avoir souffert de cette altercation. Quelques gouttes de sueur perlaient sur son front, mais elle paraissait déçut que le combat prenne fin si tôt.

Sans y faire attention, K-Lypsos était en train de la dévisager. L’inconnue se retourna, ayant sentit son regard posé sur elle. Leurs yeux se rencontrèrent…

La lutte était facile, s’était logique : ces hommes avaient trop bu, ne maîtrisaient plus la totalité de leurs mouvements et ne possédaient pas de véritables qualités pour le combat. Il ne s’agissait donc pas d’un affrontement bénéfique pour Cenka. Mais il lui permettait de se détendre, de s’appliquer, de peaufiner ses mouvements, d’améliorer sa technique. Malheureusement, son endurance avancée ne fut pas mise à l’épreuve. Elle virevoltait au milieu de cette masse mouvante, ne délaissant aucun combattant, toujours plus heureuse et plus motivée. Ses adversaires eux, furent vite lassés : voyant la tournure qu’avait pris leur bataille hebdomadaire, ils s’écartèrent et sortirent les uns après les autres. La mêlée finit par s’éclaircir, et même les hommes les plus courageux ou les plus souls cessèrent de se battre. Cenka s’y attendait: les meilleures choses étaient toujours les plus courtes... Elle admira les dégâts qu’elle avait provoqué: elle avait transformé ces colosses deux fois plus hauts et plus larges qu’elle en bœufs transpirants, haletant, avec des chemises déchirées et de longues estafilades sur les joues, fatigués, honteux de s’être fait donner une leçon par cette jeune fille qu’ils n’avaient jamais vu. Cenka sourit : s’était toujours amusant d’observer les hommes blessés dans leur amour propre... En particulier lorsque l’on était spectateur !!!!

Soudain, elle eut une sensation étrange... Connue, désagréable, et qui la mettait toujours mal à l’aise : quelqu’un la regardait. Elle se retourna et croisa le regard d’une jeune fille, à peine plus âgée qu’elle, de longs cheveux noirs faisant ressortir ses grands yeux verts. Elle était assise à une des seules tables encore intactes, un plat fumant devant elle. Cenka esquissa un sourire, s’approcha d’elle et désigna le plat auquel l’inconnue n’avait toujours pas goûté...

"A ta place, je ne toucherais pas à cette assiette. La mienne m’a servi à entrer dans la mêlée et c’était le meilleur sort qu’on pouvait lui souhaiter..."

Elle tira une chaise et la rapprocha de la table. Ce geste la surprit elle-même. Il était rare qu’elle engage la conversation aussi facilement avec une inconnue qui n’avait rien fait pour mériter sa confiance. Cependant, une petite voix en elle lui soufflait que c’était ainsi qu’il fallait agir, que cette jeune fille en face d’elle n’était pas n’importe qui, qu’elle détenait des informations essentielles à ces recherches, qu’elle lui apprendrait quelque chose qui influencerait son destin.
Elle s’assit à table, sourit, et déclara :

"Bonjour, on m’appelle Cenka..."

Elle semblait tout d’abord méfiante, mais K-Lypsos vit sur son visage se dessiner un léger sourire. La jeune fille fit quelques pas avant de désigner l’assiette de nouilles déjà froides qu’elle n’avait pas encore touché.

« A ta place, je ne toucherais pas à cette assiette. La mienne m’a servi à entrer dans la mêlée, et c’était le meilleur sort qu’on pouvait lui souhaiter… »

En effet, la masse gluante n’avait pas l’ait tout a fait appétissante… K-Lypsos repoussa le plat tandis que la jeune inconnue prenait une chaise pour venir s’installer en face d’elle. Elle se déplaçait avec rapidité et discrétion ce qui ne fut pas pour lui déplaire. Au contraire cela lui rappela le temps où, avec son maître elle devait en faire de même. Maintenant ces mouvements lui étaient naturels. Elle ne semblait pas être la seule. Le bruit de la porte la tira de ses pensées. Le dernier homme venait de quitter la salle. L’inconnue pris la parole.

« Bonjour on m’appelle Cenka »

Une assurance réconfortante se dégageait d’elle. La confiance n’étant pas son point fort, K-Lypsos restait sur ses gardes. On lui avait toujours appris que la confiance ne se donnait pas a n’importe qui et qu’il fallait des années avant de pouvoir peut être l’accorder a quelqu’un.
Cela ne les empêchait toutefois pas de faire connaissance.

« Merci du conseil ! Moi c’est K-Lypsos.
Saurais tu où je pourrais trouver de quoi faire un stock de provisions pour ma jument et moi ? Je ne connais pas du tout Kyotu, et je dois avouer qu’au premier abord la ville ne parait pas très accueillante… »

Cette fois, son sourire était franc. On pouvait ainsi distinguer de discrètes fossettes aux coins de ses lèvres. Elles rendaient son expression plus chaleureuse.

Cenka continua d’observer son interlocutrice. Celle ci restait sur ses gardes, distante, affichant clairement que sa confiance ne se gagnait pas si facilement... « Un point, pensa-t-elle, nous sortons de la même école... la confiance c’est l’ignorance... » La jeune fille semblait toutefois décidée à faire connaissance. Les paroles qui suivirent étaient banales, certes, mais montraient ainsi qu’il n’y avait pour l’instant aucune hostilité entre elles. Simplement une légère curiosité...

"Merci du conseil ! Moi c’est K-Lypsos.
Saurais tu où je pourrais trouver de quoi faire un stock de provisions pour ma jument et moi ? Je ne connais pas du tout Kyotu, et je dois avouer qu’au premier abord la ville ne parait pas très accueillante…"

Ne pas connaître Kyotu? Cela lui paraissait impossible... Elle y avait passé tous ses jours, toutes ses nuits, sa vie se résumait à cette ville. Elle en connaissait tous les toits, les recoins les plus sombres, les rues les plus chics, bien qu’elle ne soit pas toute à son aise dans ses dernières...
K-Lypsos devait donc être de ses cheminants qui parcourraient le monde à la recherche de quelque chose, de quelqu’un, ou simplement poursuivant une philosophie, profitant des plaisirs simples. Des gens très sympathiques en général... Mais qui vivaient dans un monde tellement différent du sien...

"Tu n’es pas arrivée le bon jour voila tout... En temps normal, ces hommes sont des gens très bien, aimables, souriants, bourrés de tact et d’humour... Malheureusement aujourd’hui, ils ont du arpenter le marché de long en large, à la recherche de la bonne affaire, négocier le meilleur profit, supporter les cris des marchands, la foule toujours plus compacte, les bousculades, les insultes... Aucune personne saine d’esprit ne peut ressortir indemne d’une telle journée... Le stress, la tension la fatigue se sont accumulés heure après heure et ce soir, ils ont du éclater pour tout faire ressortir, pour se détendre, pour ne pas imploser... Il est vrai que d’un point de vue extérieur ils passent pour de vrais sauvages... Mais ils sont loin de l’être... Pour les provisions, tout dépend de ton budget... Si tu as les moyens, tu trouveras ton bonheur dans les quartiers riches... Par contre si ce n’est pas le cas tu devras te contenter de l’équivalent de ton repas de ce soir..."

Cenka était lancée... Elle était sur le point de lui conseiller quelques filons pour dégoter quelques bourses pour acheter une nourriture de qualité à sa jument (attendez on déconne pas avec ça ok ? les chevaux sont plus importants que les hommes !!!) lorsque soudain une voix étrangement grave retentit dans son esprit :

"Sentinels !!!"

C’était l’appel... Elle en était sure... C’était la première fois qu’elle l’entendait mais aucun doute n’était possible... Elle devait se rendre sur le champ au quartier général... Il ne s’agissait pas véritablement d’une obligation, mais il s’agissait simplement de faire bonne impression... Elle voulait rencontrer les autres, cerner la personnalité de ce « chef » qu’elle n’avait qu’entre aperçu...
Mais tout cela signifiait une chose avant tout... Elle devait trouver une excuse plus ou moins valable pour quitter son interlocutrice... La conversation n’était décidément pas son fort... Elle était déjà suffisamment compliquée à engager, il fallait maintenant la clore... pff... Heureusement le tavernier la sauva... Il s’approcha de la table et déclara de sa voix caverneuse

Désolé mesdemoiselles mais je dois fermer... Si vous souhaitez passer la nuit ici, je peux vous louer une chambre...

L’occasion était trop belle, Cenka la saisit au vol

Ne vous inquiétez pas pour moi j’étais sur le point de partir... La soirée à beau être avancée, il me reste encore un nombre incalculable de choses a faire...

Elle se tourna vers K-Lypsos

Heureuse d’avoir fait ta connaissance... j’espère que tu trouveras ce que tu cherches... Bonne route !!! Si tu as besoin de quelque chose dis toi qu’une aide est toujours apportée à ceux qui en ont besoin... il suffit de s’adresser au bon endroit...

Et sur ces mots, Cenka sortit de l’auberge, la fraîcheur de la nuit la prit au visage et lui remit les idées en place... Elle adopta une marche soutenue et se dirigea vers le quartier général des sentinels...